l'émétophobie, une souffrance difficile à évoquer

Le terme Emétophobie  vient des termes grecs emein « vomir » et  phobos « la crainte ». Il s’agit de la crainte morbide de vomir. Il ne s’agit pas de dégoût passager, comme il nous arrive à tous, mais bien d’une véritable obsession quotidienne. Les personnes qui en sont victimes ont beaucoup de mal à en parler, considérant ce sujet comme « tabou », comme c’est le cas pour d’autres phobies concernant les fonctions corporelles : crainte de déféquer de façon incontrôlable, peur d’uriner sur soi ou encore quand d’autres personnes sont à proximité, ce que l’on appelle le « syndrome de la vessie timide ».

L'enfermement progressif de l'émétophobe

Dans certains cas, les symptômes peuvent être vécus sur un mode obsessionnel, et faire l’objet de ruminations permanentes, que rien ne vient rassurer. D’autres problèmes peuvent alors surgir : panique, dépression…

L’émétophobie peut devenir ensuite plus préoccupante encore. Se mettent alors en place des stratégies d’évitement et de contrôle : la personne s’observe en permanence, et vit dans la crainte perpétuelle d’avoir envie de vomir comme si elle s’attendait sans cesse à être malade. Les émétophobes contrôlent les vêtements qu’ils portent  (faciles à laver ou pas ?), les lieux où ils se rendent (y a-t-il des toilettes accessibles dans ce restaurant ?), les personnes qu’ils vont devoir côtoyer : cet enfant risque-t-il de vomir, cet homme qui boit trop, ce chien…

De fil en aiguille, les émétophobes s’interdisent  de vivre certaines situations sociales. Ils se tiennent soigneusement à l’écart des situations à risque. Ils vont jusqu’à réorganiser leur vie en fonction des dangers qu’ils anticipent : plus de sorties le soir, plus de contacts (car il existe un risque d’infection), ils évitent les transports, les aliments à risque, les « réunions arrosées », la foule…Ils ne sont pas à l’aise quand une personne lit dans une voiture à côté d’eux. On  ne se sent pas bien quand on voit quelqu’un vomir, que ce soit en face à face ou à l’écran.

Comme les malades ont peur de tous les événements qui peuvent entraîner l’action de vomir, ils vont progressivement s’isoler et cet isolement même va entretenir l’angoisse. Un autre facteur de solitude est la honte profonde ressentie par rapport au symptôme. On n’ose en parler à personne, on se mure dans son secret. Plus le temps passe, plus la problématique devient « envahissante », avec des schémas de plus en plus contraignants.

Comportements contraphobiques, troubles du comportement alimentaire autant de risques pour l'émétophobe

Les stratégies que le patient va élaborer pour tenter de survivre à son symptôme vont souvent le rendre encore plus vulnérable : il accumule les comportements contraphobiques comme la prise de médicament visant à contrôler le symptôme, la consommation de gommes ou autres bonbons en excès afin de « ne pas sentir ». Il devient dépendant de personnes-ressources sans lesquelles il s’imagine qu’il ne pourra pas affronter son angoisse. Il multiplie les comportements fétichistes : accumuler les vérifications (lavage de mains, gel hydro alcoolique, surveillance des vagues de grippe intestinale ) ou ressasser des pensées obsédantes qui peuvent les mener jusqu’à l’hypocondrie (”j’ai mal au ventre”, ”je suis en train de tomber malade”…). L’alimentation devient un objet à surveiller. La peur de vomir engendre du coup,  parfois, l’anorexie ; on ne mange pas par peur d’être malade, par peur de vomir. L’émétophobe veut tellement s’empêcher de vomir qu’il choisit de ne plus rien avoir à vomir, avec toutes les complications que cet autre tableau peut encore ajouter.

Clara est une jeune femme pour qui tout va bien : elle travaille beaucoup, elle est reconnue dans ses compétences. Elle a une vie pleine de créativité, elle s’est mariée récemment et souhaiterait avoir un enfant. Mais Claire a un secret : elle est émétophobe depuis longtemps : elle garde un souvenir horrifié de la honte cuisante d’avoir vomi en public lors d’une épidémie de grippe intestinale, il y a des années. Depuis elle suit avec angoisse les vagues de grippe chaque hiver. Elle nettoie avec soin ses couverts et ses verres dans les restaurants et autres lieux publics. Depuis peu, elle craint les vomissements chez les autres : à la télévision, elle frémit à l’idée que tel personnage ivre va finir par vomir ; elle surveille son chien qui a parfois des difficultés digestives. Sans le dire à son mari, elle se demande comment faire pendant la grossesse qu’elle souhaite pourtant. Et, lors des premiers mois, comment va-t-elle supporter les régurgitations et autres tracas intestinaux du bébé ?

Peu à peu, l’horizon de vie de l’émétophobe devient de plus en plus étroit. . La liste de tous les comportements prohibés s’allonge quasiment de façon quotidienne.

L’émétophobe peut aussi s’astreindre de façon compulsive à des comportements stéréotypés dans le registre de la recherche de bien-être : se rafraîchir le visage plusieurs fois par jour, devoir se trouver près d’une fenêtre ouverte dans une voiture, respirer des essences rafraîchissantes. En réalité, il s’enfonce dans une pathologie obsessionnelle.

Progressivement, la vie de l’émétophobe se règle sur l’évitement et/ou la prise en compte de sa phobie, à travers les associations erronées, les TOCs, les règles de vie.

Les solutions pour traiter l'émétophobie

Même si il peut paraître superflu ou difficile de faire la démarche de consulter, l’émétophobie n’est pas à prendre à la légère. Progressivement des symptômes diffus peuvent s’aggraver et devenir un sévère handicap de vie. Une prise en charge adaptée peut être un vrai soulagement en ce qu’elle va permettre d’exprimer sa honte, mais aussi de mettre en place des pare feux à la spirale mortifère de l’émétophobie.

En thérapie brève, nous utilisons pour traiter l’émétophobie des exercices, des outils des TCC, de l’hypnose. Et, en dépit de ces manifestations très handicapantes, c’est, comme toutes les phobies, un problème qui se traite bien en une dizaine de consultations.