Gérard n’aurait jamais pensé à la précocité intellectuelle pour expliquer ses difficultés. Et pourtant!

Gérard est un cadre dynamique de 37 ans. Il travaille dans une entreprise depuis une dizaine d’années. Jusqu’à présent les choses se sont bien passées pour lui. Mais le management a changé et de nouveaux objectifs lui ont été fixés. Il craint désormais de décevoir son nouveau patron. Au décours du récit de vie de mon patient, il apparaît que ce sentiment, il l’a depuis très longtemps. Même si il a toujours réussi ses études, ses examens, il a toujours eu l’impression de devoir fournir un effort plus important que les autres. Il a toujours été gêné par un manque de concentration. L’ennui s’installait rapidement. Et du coup les difficultés ont miné son estime de soi.

Après quelques séances, l’hypothèse de la précocité intellectuelle est évoquée. Tout d’abord incrédule, il prend peu à peu la mesure de ce que cette nouvelle lecture de sa vie lui apporte comme explications à de nombreux évènements : ses difficultés durant sa scolarité, ses angoisses relationnelles et l’impression de ne pas être compris.

Souvent, la scolarisation est l’occasion de constater des différences entre l’enfant « pas encore identifié comme précoce » et les autres : de la vivacité, une grande facilité à l’apprentissage des mathématiques et de la lecture en particulier. Cet enfant va montrer une curiosité insatiable pour l’histoire, l’astronomie, l’informatique, les sujets abstraits. Il aura souvent plus de difficulté pour l’écriture et toutes les habiletés motrices. Au niveau social, c’est un enfant qui s’ennuie vite, qui se sent en décalage avec les camarades de son âge et va préférer la compagnie des adultes ou des plus grands. Il peut être jugé assommant et collant par les adultes qui ont à répondre à ses questions incessantes. Souvent ses capacités langagières et intellectuelles font oublier qu’il est très jeune et les attentes des adultes à son égard sont bien au-dessus de ses capacités émotionnelles et sociales. Il y a chez l’enfant précoce des pans de personnalité qui sont effectivement en avance et d’autres qui sont au même niveau que les autres enfants voire, en deçà. Un enfant qui montre une précocité intellectuelle est un enfant différent : il peut être dans certains domaines excellent, voire plus capable qu’un adulte, mais il peut dans d’autres domaines avoir des résultats moyens. En outre, la précocité intellectuelle est souvent accompagnée d’une immaturité émotionnelle, de difficultés à nouer des relations sociales, de maladresses sur le plan moteur.

Pour ces enfants un peu à part, concernés par la précocité intellectuelle, malmenés souvent depuis longtemps par un système scolaire dans lequel ils ne trouvent pas toujours leur place, il y a différents devenirs :

Quand l’enfant a pu anticiper le monde scolaire positivement, il va s’attendre à une expérience qui va le stimuler et lui permettre de répondre à ses curiosités. Il s’investira dans les apprentissages avec plaisir. Mais son mode d’approche risque de le mettre en décalage avec ses camarades, plus lents et moins intéressés (parfois) ; il risque de se mettre en porte à faux vis-à-vis des enseignants eux-mêmes, car il a souvent développé un mode d’approche original et intuitif qui entre souvent en conflit avec la méthode proposée.
L’enfant précoce non identifié et en rupture scolaire, à la suite d’une expérience difficile pourra se montrer perturbateur, voire, provocateur, brouillon et agité. Ces signes peuvent préoccuper les enseignants et les parents et les inciter à penser à un trouble de l’attention et de la concentration.
A l’adolescence, ses excellents résultats vont lui donner l’impression de pouvoir s’abstenir de travailler. Il va commencer à rencontrer des difficultés et avoir des résultats en dents de scie, en fonction de ses affinités avec les matières. Ses échecs vont entamer son estime de soi et le faire souffrir. Dans le même temps, il critique et dévalorise ses enseignants, ses camarades. Il peut s’enfermer dans un retrait social morose, voire une phobie scolaire. On voit jusqu’où peut mené une précocité intellectuelle non accompagnée.
Pour les parents, cet enfant, à la fois brillant et maladroit, qui répond aux exigences scolaires avec facilité mais sans effort apparent, peut apparaître comme une énigme. Parfois aussi cette personnalité rappelle à l’adulte ses propres problématiques au même âge. Nombre de parents d’enfants découvrent leur « précocité intellectuelle » à l’occasion du dépistage de celle de leur enfant. Cette nouvelle lecture de leur histoire à la lumière de cet éclairage permet de ne plus vivre avec ce sentiment de décalage, de « dyssynchronie », comme on le nomme parfois.
Souvent pouvoir poser un mot, tel que « précoce » permet aux parents de s’ajuster à la complexité de la personnalité de son enfant. Faut-il, pour autant, faire faire un bilan à un enfant quand il semble différend ?

Qu’est-ce qu’un bilan d’efficience intellectuelle ? Comment dépiste-t-il la précocité intellectuelle.

Le bilan est une étude du fonctionnement cognitif et intellectuel de l’enfant qui se réalise à l’aide de tests, connus pour leur validité et leur fiabilité. Ils sont utilisés depuis longtemps et de façon uniforme dans le monde entier. Ils sont créés et ajustés en fonction des âges. Les psychologues sont formés à leur passation et à leur lecture. Accompagner la passation de ce bilan est important : expliquer à l’enfant les raisons qui ont motivé votre décision ; imaginer avec lui comment ça va se passer et quelles vont être les conséquences. Faire passer un bilan à votre enfant n’est pas une décision facile à prendre. Consultez les enseignants et les professionnels en contact avec votre enfant, ils passent beaucoup de temps avec lui et le connaissent bien. 

Ces bilans peuvent également se passer à l’âge adulte. Une psychologue spécialisée pourra vous aider à interpréter ces résultats.
Qu’en est-il du devenir de ces enfants ? A l’âge adulte, il n’est pas automatique que ces enfants surdoués le restent. Certains vont trouver dans leur vie de quoi « nourrir » leur curiosité et trouveront des modes personnels d’adaptation à leur environnement. Leurs contributions seront originales, riches et parfois récompensées. D’autres seront moins adaptés, et souffriront de ce décalage : « surdoués », « haut potentiel », ces mots sonneront comme un handicap, plutôt que comme un atout. Les difficultés se situent essentiellement sur deux plans :

Celui de la confiance en soi : parfois, cette intelligence qui a toujours été leur fierté devient une difficulté quand il s’agit de travailler en équipe : on n’arrive pas toujours à se faire comprendre, on ne comprend pas pourquoi les autres ne vous comprennent pas.

Celui des habiletés sociales : la personne « précoce » est souvent en proie à des difficultés quand il s’agit de

Selon l’histoire personnelle de chacun cette particularité restera un atout ou une blessure narcissique. Pour le thérapeute, il s’agit de réconcilier les différentes parties d’un Moi souvent mis à mal par l’histoire personnelle du patient. Paradoxalement, pour des personnes si douées, c’est l’estime de soi qui nécessite d’être soutenue, restaurée, développée. Le travail sur soi permettra de retrouver une harmonie intérieure dont le manque fait si cruellement souffrir les personnes à haut potentiel. De quoi bien vivre enfin sa précocité intellectuelle.