Les troubles bipolaires, naissance d’une bipolarité.
Pauline est une jeune femme brillante depuis l’enfance. Elle a toujours eu un esprit vif et de grandes dispositions pour les études. A l’université, elle se lance dans des concours ambitieux qu’elle réussit ; néanmoins elle est très sensible au stress et se détend rarement toute occupée qu’elle est à ses révisions.
Mais cette année là, il y a le stress accumulé des études et les évènements familiaux se succèdent(naissances, accidents…). Pauline se sent de plus en plus fatiguée. Un jour, ses proches se rendent compte qu’elle tient des propos incohérents, qu’elle a vidé son compte en banque et qu’elle est persuadée que les autres personnes de sa famille lui veulent du mal. Ses parents tentent de l’apaiser en vain : dans la nuit Pauline fait une fugue. On la retrouve le lendemain le long de la route, tenant des propos incohérents.
Une prise en charge d’urgence est décidée : à l’extrême exaltation de Pauline succède une humeur triste : Pauline est décontenancée, ne sait pas ce qui lui est arrivée et se réfugie dans les larmes, le mutisme. Elle passe de longues heures dans son lit, sans envie ni énergie pour se reprendre. Le diagnostic est posé par le médecin psychiatre : Pauline souffre de troubles bipolaires.
Comprendre la prise en charge médicale de la bipolarité
A l’hôpital, la prise en charge se met en place. Elle fait intervenir des médicaments et aussi un suivi thérapeutique. On informe Pauline de sa maladie et de son traitement : la molécule qu’on lui prescrit va lui permettre de ne plus connaître de à-coups dans son humeur ; un somnifère lui permet de retrouver un sommeil réparateur. Des antidépresseurs vont soutenir son humeur et éviter la tristesse. Sur le coup, Pauline est choquée par le nombre de pilules qu’elle doit prendre. Elle ne veut pas croire qu’elle devra prendre un traitement tous les jours de sa vie !
Description de la bipolarité
La bipolarité désigne un ensemble de troubles qui sont vécus comme des hauts et des bas de l’humeur et de la personnalité. Anciennement appelée psychose maniaco dépressive, elle se caractérise généralement par une alternance d’épisodes appelés maniaques ou hypomaniaques, durant lesquels le patient se sent vivre en accéléré et des phases de terrible dépression, comme des montagnes russes.
Un épisode s’initie souvent par un manque de sommeil : le patient vit avec intensité , sans limites, il pense tout comprendre, tout ressentir avec une clarté, un discernement qui rendent les personnes bipolaires souvent « addict » à leur phase maniaque. C’est d’ailleurs une difficulté dans l’observance du traitement.
Et pourtant la bipolarité se soigne très bien!
Car un traitement existe il est connu depuis longtemps. Les études scientifiques démontrent son efficacité. Il s’agit du lithium. On utilise le lithium depuis longtemps pour soigner la goutte, par exemple. Son usage en psychiatrie date de 1945. Les médecins savent combien son dosage est délicat et un suivi très contrôlé est mis en place quand il y a prescription.
Cependant, le lithium est plus performant sur les effets maniaques que sur les phases dépressives. Les patients sous traitement ont parfois du mal à ne plus se sentir « boostés » par ces sensations intenses. Il s’agit d’un renoncement difficile. Ce d’autant plus que le traitement est moins efficace sur les phases dépressives. c’est pourquoi, un antidépresseur est souvent prescrit de surcroît.
Certains patients ont du mal également avec l’idée d’un traitement « à vie ».
POURTANT IL FAUT PRENDRE LE TRAITEMENT. CAR SANS LUI COMMENT COMPTEZ-VOUS CONSTRUIRE VOTRE VIE DANS DES MONTAGNES RUSSES. UN COUP TROP HEUREUX, UN COUP TROP TRISTE, SANS MEDICAMENTS VOUS N’ETES JAMAIS VOUS-MEME!
C’est une des questions les plus fréquemment posées. Le traitement de l’humeur est à long terme, mais il n’empêche pas de vivre sa vie : de nombreux hommes et femmes célèbres ont été bipolaires : citons, Churchill, Napoléon, Virginia Woolf, ou Ray Charles.
Chaque patient réagit différemment. Mais la pratique thérapeutique montre que deux indicateurs peuvent permettre d’anticiper les virages de l’humeur : le stress et le sommeil (sans remplacer le traitement médicamenteux obligatoire parce que radicalement nécessaire).
Les éléments stressants font partie de notre vie à tous. Chacun trouve sa façon de les gérer . Dans le cas des troubles bipolaires, il est d’autant plus important d’adopter des stratégies efficaces. La méditation, la relaxation, l’auto hypnose, mais aussi le sport peuvent aider à faire « redescendre » le niveau de stress. C’est là qu’une thérapie brève peut aider, en revanche elle ne doit être entamée qu’une fois la stabilisation par les médicaments obtenue.
Veiller à la qualité de son sommeil en prenant des habitudes de régularité, renouer avec le bonheur de dormir, sont des éléments essentiels pour stabiliser l’humeur.
Lorsque le patient constate une dégradation de ces indicateurs, il peut savoir qu’il entre dans une zone de risque : aller voir son psychiatre permet d’éviter l’escalade.
Une vie belle est possible malgré la bipolarité.
Après son séjour à l’hôpital, Pauline va reprendre sa vie. Elle retourne au travail… se remet dans son existence d’avant…elle continue de vivre même si intérieurement tout a changé. Peut-elle encore penser qu’elle va aller bien? Qu’elle va pouvoir supporter le stress ? Comment sa maladie va-t-elle évoluer? Toutes ces questions, elle va pouvoir les aborder lors des rendez-vous réguliers qu’elle va continuer d’avoir avec un psychiatre, un psychothérapeute, ou les deux.
Progressivement, Pauline prend l’habitude d’identifier les moments où elle devient plus sensible. Elle est accompagnée sur la prise de conscience progressive des moments d’angoisse.
Elle va établir des relations plus équilibrées avec sa famille, relativiser l’importance de son travail…
Le traitement qu’elle prend va être ajusté au fur à mesure pour lui permettre de se sentir soulagée sans être ralentie.
Son entourage va également apprendre à mieux comprendre ce dont souffre Pauline et à ajuster les comportements , grâce à leur participation à des groupes de familles de patients souffrant du même trouble.
Même si au décours de sa vie, Pauline connaîtra des moments de plus grand stress, elle va apprendre à connaître de mieux en mieux ses symptômes, à anticiper ses réactions et identifier les situations à risque.
L’accompagnement thérapeutique d’un ou d’une patiente bipolaire est essentiel. c’est un travail ensemble pour apprivoiser la maladie. Détecter les signes, y faire face, éviter les crises, trouver son équilibre ; voilà quels peuvent être les objectifs thérapeutiques dans cette prise en charge.
En fin de compte, il s’agira de trouver ensemble un équilibre pour vivre une existence aussi riche et pleine que celle de n’importe qui. La bipolarité bien traitée n’est plus un frein!