Natacha est une jeune femme de 25 ans. Depuis quelques années elle partage sa vie entre Paris où elle suit ses études et Bucarest où vit sa famille. A l’adolescence, elle a senti son caractère changer, comme beaucoup d’adolescentes. Mais chez elle, la révolte classique s’est joué sur un mode plus sévère : prise de toxiques, crises de colère, voire tentatives de suicide. Les hospitalisations ont réussi à contenir la violence de Natacha. A sa sortie, elle suit un traitement et va consulter un psychothérapeute. Mais d’autres épreuves attendent Natacha. Il est très difficile pour elle de vivre les petits compromis et les grandes séparations de la vie. Ses études l’amènent à quitter son environnement familial sur le conseil de ses médecins qui y voient une occasion d’émancipation et de prise de recul. A Paris, après une période de découverte, Natacha sombre dans une grande dépression. Sa tristesse, son sentiment de solitude, sont redoublés de périodes de violence contre elle-même et de retrait social. Peu à peu elle va devenir de plus en plus experte vis-à-vis de ses symptômes et pourra faire face à ses crises de façon de plus en plus appropriée.

Aujourd’hui, beaucoup d’articles et/ou d’études mentionnent des structures de personnalité dit « limites ». Il est difficile de donner une description standard car il n’y a pas deux personnes « état limite » qui réagissent de la même manière. On peut vivre une vie adaptée, devenir mère ou père, faire des études, travailler, tout en manifestant des traits de ce type de personnalité. Bien sûr, tous les évènements de vie seront vécus selon la coloration particulière de cette personnalité et demanderont des adaptations, des ressources et des aides spécifiques.

On décrit parfois ces personnalités borderline comme des personnes dont le fonctionnement est proche de l’adolescence.

Les troubles dans la personnalité borderline sont les suivants :
 En premier lieu, une dépression très intense et indépendante d’un contexte précis (deuil, séparation, perte…). Parfois les patients décrivent un vide vertigineux, une sensation de tomber dans une spirale sans fin avec l’impression que rien ni personne ne pourra leur venir en aide.
 Une grande énergie mobilisée pour éviter les abandons réels ou imaginés : les difficultés liées à l’attachement et à la séparation sont un signe que l’on retrouve toujours.
 Des relations avec les autres instables et intenses ; soit on idéalise, soit on dévalorise l’autre.
 Le sentiment d’identité est mis à mal : la personne change d’objectifs, son système de valeurs personnel est instable, ses projets se modifient sans cesse.
 Une grande impulsivité de comportements : dépenses inconsidérées, sexualité à risque, toxicomanie, conduite automobile dangereuse, crises de boulimie)
 Une répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires, ou d’automutilations.

Aline a 32 ans. Depuis longtemps, elle souffre de crises de boulimies qui succèdent à des épisodes anorexiques. Les changements sont survenus quand elle a pris son autonomie du foyer familial. Ses études l’ont soumis à une grande anxiété de performance. Plus tard, dans ses différents postes, elle se sentait toujours isolée, moins bonne, plus en difficulté. Au quotidien les intenses sensations de vide qui la submergeaient trouvaient une résolution dans les crises alimentaires. Elles lui permettaient de trouver un moyen de contrôler ses mouvements dépressifs intenses. Aline a également durant sa vie dû se faire hospitaliser lorsque la souffrance était trop forte. La prise en charge en institution lui a permis de se constituer un cadre sûr : le lien avec ses thérapeutes, les rendez-vous réguliers, le dialogue dans un environnement de confiance tisse autour d’elle comme une carapace qui lui permet de résister aux ressentis trop intenses d’abandon, de vacuité, de dévalorisation. Il lui faut aujourd’hui accepter d’affronter la vie « normale » et de prendre suffisamment confiance en elle-même pour surmonter sa crainte de rechuter.

Les études cliniques montrent qu’une aide professionnelle a des effets positifs sur la majorité des personnes souffrant du trouble de la personnalité borderline. On a longtemps cru qu’il n’était pas possible de traiter le trouble de la personnalité borderline. Les études ont mis en évidence que certaines méthodes psychothérapeutiques sont efficaces pour contrôler les symptômes.

Soigner les personnalités borderline

Il s’agit de faire en sorte que le patient devienne plus expert dans l’auto-évaluation des signes : les changements d’humeur, les sentiments de colère intense, les comportements d’automutilation ou les pensées suicidaires. La psychothérapie ne va pas changer la personnalité, mais permettre à la personne d’avoir une vie plus adaptée et moins souffrante.
La prise en charge est souvent constituée d’une thérapie individuelle et d’une approche de groupe, axée sur l’échange, le développement des capacités de relations interpersonnelles, bien sûr, mais aussi sur la concentration sur l’instant présent (méditation, relaxation, hypnose…)

Une étape importante dans la prise en charge d’un trouble de ce type réside dans la qualité de la relation thérapeutique elle-même : c’est pourquoi le choix d’un thérapeute doit se faire avec un soin tout particulier. Plus encore que dans une autre prise en charge, il est nécessaire que le patient puisse s’ouvrir en toute confiance et se sente compris.
Il s’agit d’aider ces patients à développer des schémas de pensée alternatifs, moins centrés sur une logique d’exclusion (« soit/soit » versus « et »/« et »). Souvent ils se placent dans des situations de tension, qu’ils ont eux-mêmes créés. Analyser les schémas récurrents et y trouver une alternative leur permet de trouver des réponses plus adaptées.

Les personnalités limites, dans leurs récits, font souvent mention de « moments de crise ». La plupart des crises ne tombent pas du ciel, mais s’annoncent par des signes précurseurs que les personnes concernées peuvent apprendre à reconnaître à temps. Parmi ces modifications annonciatrices d’une crise, on peut citer entre autres les angoisses d’abandon, les troubles du sommeil, une modification du rythme journalier, un comportement agressif ou une augmentation du désordre. Ces crises sont souvent un moment de tension psychique douloureux. Elles déclenchent fréquemment les conduites d’automutilation, de prise de toxiques, de conduites alimentaires excessives ou autres comportements destructeurs.

Il s’agit de pouvoir découvrir, avec le patient, quels autres comportements peuvent l’aider. Deux données sont importantes : que ces substituts soient intenses au niveau sensoriel et émotionnel et qu’ils soient sous le contrôle du patient. Quand survient la crise, il va dévier l’intensité douloureuse en ayant recours à des parfums, des sensations ou des goûts particulièrement forts. Il peut avoir recours à des stimulations qui le rassurent : musiques familières, photos, objets de réconfort (poupées, fétiches, etc.).

Pour conclure, les personnalités limite ou borderline présentent des zones de fragilités particulières. Cependant, elles peuvent vivre leur propre vie, en prenant conscience des contextes qui les conduisent à des comportements autodestructeurs. Une prise en charge thérapeutique appropriée leur permet de mieux identifier leurs modes de fonctionnement et de trouver eux-mêmes les réponses pour pouvoir vivre leur vie de façon plus adaptée.